Les scientifiques du Giec sonnent l’alarme : la stratégie de la croissance verte ne suffira pas. N’en déplaise à ceux qui espéraient « découpler » croissance et ressources naturelles, le PIB reste fermement corrélé à l’empreinte matière, la quantité de matériaux mobilisées pour produire toutes les choses que nous consommons. Cette consommation matérielle est essentielle car elle génère plus de 90 % des impacts environnementaux, d’où l’urgence de la réduire. En 2018, l’empreinte matière d’un français moyen était de 17,1 tonnes, soit 8 % de plus qu’en 1992. Le PIB a beau augmenter plus vite que l’empreinte matière, nous sommes très loin – et de plus en plus loin – de la limite soutenable des 7,7 tonnes par habitant. Le constat est donc sans appel : réduire notre consommation de matériaux n’est pas possible dans une économie qui produit toujours plus.
Si le découplage matière est impossible, certains ont plus d’espoir concernant le découplage carbone. Certes une poignée de pays ont réussi à stabiliser leurs émissions de carbone, mais sans toutefois parvenir à vraiment les réduire. Certains parlent un peu vite de « bonne nouvelle » faisant référence à l’un des articles cités par le Giec. En effet, dans une étude de novembre 2021, un groupe de cinq chercheurs dirigés par Klaus Hubacek, l’auteur du chapitre sur le découplage dans le rapport du Giec, a montré que 14 pays avaient, entre 2015 et 2018, fait l’expérience d’un découplage absolu, c’est-à-dire une croissance du PIB juxtaposée à une baisse de l’empreinte carbone. A cet égard, les pays de l’UE ont diminué leurs émissions de 8 % entre 1995 et 2015. Une bonne nouvelle me direz-vous. Il y a pourtant un hic : cette baisse est des plus insignifiantes. Pour mettre en perspective ce chiffre, l’objectif de la Commission Européenne est de réduire les émissions de 55 % d’ici 2030. D’où la conclusion des auteurs sur l’insuffisance de la stratégie de la croissance verte : « il semble de plus en plus évident que même un découplage absolu généralisé et rapide pourrait ne pas suffire à atteindre ces objectifs [les 1,5 °C ou 2°C de l’Accord de Paris] sans une certaine forme de décroissance économique ».
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